Israël-Iran : comment la « guerre de 12 jours » a secoué les marchés du pétrole et de l’or
Du 13 au 24 juin 2025, un conflit militaire direct a opposé Israël à l’Iran. Comment les marchés boursiers ont-ils réagi ? Les traders ont-ils spéculé sur cette tendance ? Pour répondre à ces questions, nous avons étudié la volatilité (c’est-à-dire, l’amplitude des hausses et des baisses) des cours du pétrole et de l’or.
Le conflit militaire direct entre Israël et l’Iran déclenché le 13 juin 2025, appelé la « guerre de 12 jours », a opposé deux puissances régionales au cœur d’un espace stratégique déterminant pour les flux mondiaux d’énergie. Il concerne, en particulier, le détroit d’Ormuz, artère vitale pour les exportations de pétrole, avec une crainte du bouleversement des dynamiques économiques globales, notamment à travers la flambée et la volatilité des prix des matières premières.
Cet article se propose d’analyser l’impact de la volatilité (l’amplitude des hausses et des baisses) des marchés boursiers sur les matières premières durant cette période.
Les mouvements des prix des indicateurs de volatilités (VIX) suggèrent, dans les premiers jours de la « guerre de 12 jours », une situation de backwardation. Comme le marché de l’or et du pétrole présente une offre inférieure à la demande, leur cours s’avère inférieur à celui de l’instant présent. Concrètement, ce différentiel de prix sur les échéances des contrats, entre court et long terme, a encouragé une plus grande spéculation par les traders.
Marchés pétroliers en hausse de 8,28 %
L’Autorité des marchés financiers (AMF) a recensé en France 5,2 millions de transactions sur des fonds cotés sur indices en 2024 (Exchange Traded Funds ou ETF), après 2,8 millions en 2023. Les matières premières et, en particulier, les contrats à (long) terme sur les matières premières, servent désormais : de couvertures potentielles contre les pressions inflationnistes, de composantes de portefeuille pour des opportunités de diversification et, potentiellement, de substituts monétaires en cas de turbulences économiques.
Dès les premières frappes échangées, les marchés pétroliers ont réagi avec une nervosité extrême. Le 13 juin 2025, le pétrole brut Brent a enregistré une hausse de 8,28 %, atteignant 75,10 dollars le baril et le cours du pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) a grimpé de 8,8 %, atteignant presque 74 dollars.
Ces hausses s’expliquent par la crainte d’un blocage du détroit d’Ormuz par lequel transite environ 20 % du pétrole mondial. La structure oligopolistique du marché pétrolier, dominée par quelques grands exportateurs, le rend particulièrement sensible aux perturbations géopolitiques.
Ces inquiétudes ont incité les opérateurs financiers à spéculer massivement à la hausse sur les contrats à terme (les futures), accentuant la volatilité des cours.
Or comme valeur refuge
On distingue deux volatilités sur les marchés financiers : la volatilité historique indique la volatilité d’un titre pour une période passée, et la volatilité implicite, ou perception du risque, correspond à la volatilité anticipée par le marché. On mesure la volatilité implicite par l’indice VIX, qui correspond à la valeur d’un panier d’options à court terme sur le S&P500. Cet indice boursier est basé sur 500 grandes sociétés cotées aux États-Unis.
La recherche académique nous fournit beaucoup d’articles sur la relation entre la volatilité des marchés et les prix des matières premières. L’une souligne la distinction entre l’or comme valeur refuge. Par exemple, l’or est une valeur refuge pendant les trois crises financières de 1987, de 1997 et de 2008. Le précieux minerai est utilisé comme une couverture, car ses rendements sont positifs (en moyenne) lorsque les rendements des actifs financiers (actions ou obligations) sont négatifs.
VIX, l’indice de la peur
D’autres chercheurs identifient l’or comme une valeur refuge pendant les périodes de détresse du marché, avec une faible corrélation avec le dollar et les actions. L’or a une relation négative et significative avec les actions dans les marchés baissiers, mais pas dans les marchés haussiers, parce que l’or est toujours considéré comme une valeur refuge. Autrement dit, on achète moins d’or quand les marchés sont florissants, beaucoup quand ils sont en berne. C’est pourquoi certains chercheurs utilisent le VIX comme indicateur des perceptions mondiales du risque.
Le VIX et le pétrole étant négativement corrélés, une augmentation de la crainte sur les marchés financiers induit une réduction de la demande sur les marchés de l’énergie. L’indicateur de volatilité du marché financier états-unien VIX, appelé indice de la peur, exprime et mesure la volatilité implicite ou la volatilité anticipée des marchés financiers. Il a, empiriquement, un effet économiquement significatif à long terme sur plusieurs matières premières comme le pétrole et l’or.
Perception du risque
Dans le cadre de cet article, nous analysons les relations entre la perception du risque globale et les matières premières. Nous utilisons pour cela les données de la veille, ou intra-journalières, durant la période de la « guerre de 12 jours ».
La perception du risque ou la volatilité implicite est mesurée par l’indice boursier états-unien VIX. Concernant les matières premières, nous nous concentrons sur les prix du pétrole et de l’or.
Le prix du pétrole est mesuré sur deux indices : le Brent – référence de prix pour le pétrole d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient – et le WTI – référence de prix pour le pétrole auprès du New York Mercantile Exchange.
Notre modèle économétrique sur les données de cette période montre que l’amplitude des hausses et des baisses du cours boursier VIX est de 60 % plus élevée que celle des matières premières.
Les études empiriques montrent que les rendements des contrats à (long) terme sur les matières premières sont influencés par la perception du risque (volatilité implicite). Concrètement, le cours de l’or augmente lorsqu’il y a cette perception. Cette tendance confirme l’idée que les investisseurs perçoivent toujours l’or comme une valeur refuge, à acheter en prévision d’un accroissement de la volatilité accrue des marchés.
Le pétrole, quant à lui, présente une corrélation négative avec la perception du risque. Le cours du pétrole baisse lorsqu’il y a cette volatilité implicite. Ces résultats sont conformes aux analyses des études précédentes. Le Brent, qui est le standard du pétrole du Moyen-Orient, présente une plus grande corrélation (négative) durant cette période que le WTI. La crainte de la fermeture du détroit d’Ormuz est davantage ressentie.
Spéculation sur la peur
Pour compléter notre analyse, notre modèle intègre, dans un deuxième temps, l’indicateur de volatilité du marché financier états-unien établi quotidiennement par le Chicago Board Options Exchange, le VXX. Si le VIX est un indice mesurant la volatilité attendue du marché, le VXX est un titre négocié en bourse qui suit les contrats à (long) terme sur le VIX. Le VXX est un fonds négocié en bourse, qui utilise un portefeuille de contrats à court terme sur l’indice S&P500-VIX.
Les titres VXX peuvent être achetés ou vendus, comme des actions. Le VXX est couramment utilisé comme couverture contre la volatilité du marché. En détenant des positions longues ou acheteuses sur le marché, on peut acheter des options ou des contrats à terme pour se protéger contre une baisse soudaine du marché, durant la période d’étude.
Pendant les périodes de forte volatilité, elles peuvent atteindre un pic, offrant aux traders la possibilité de profiter des mouvements de prix à court terme et des opportunités de trading spéculatif. On observe une augmentation du VXX du 12 au 13 juin 2024, qui passe de 51 à 55. Ce mouvement indique une potentielle spéculation sur la peur.
Nous confirmons que le conflit militaire exacerbe la volatilité et un comportement spéculatif accru de la part des intervenants sur les marchés. Ce comportement en période de conflit mérite davantage d’attention de la part de la recherche académique.
Heureusement pour tous, la guerre a pris fin le 24 juin.![]()
Hassen Raïs, Professeur de Finance, EDC Paris Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
